Présidentielle. Reste-t-il encore un peu de gauche chez Emmanuel Macron ? – Ouest-France
Emmanuel Macron est-il encore « et de gauche, et de droite » ? Ou n’est-il plus que de droite ? C’est probablement l’une des questions qui tournent dans les esprits de certains électeurs de gauche, notamment dans celui des mélenchonistes, avant un second tour où, face à Marine le Pen, ils n’ont jamais été aussi peu sûrs de voter pour l’actuel président.
Emmanuel Macron en est pleinement conscient et, depuis plusieurs jours, le président sortant s’applique donc à valoriser sa « jambe gauche », que constituent les versants social et écologique de son programme. Mais cette jambe est-elle bien l’équivalent de sa consœur de droite ? Éléments de réponse.
Un socle électoral peu sensible aux thématiques de gauche
La question se pose car, le 10 avril 2022, lors du premier tour, ce ne sont pas les thématiques habituelles de la gauche qui ont permis de mobiliser autour de la candidature d’Emmanuel Macron. Loin de là.
Ainsi, selon le sondage de sortie des urnes diligenté par l’institut BVA pour le compte de Ouest-France , seuls 33 % des électeurs du président de la République ont indiqué que la question du pouvoir d’achat avait été importante dans leur choix, alors que cette thématique est évoquée en moyenne par 45 % des électeurs, et plus encore chez ceux de Jean-Luc Mélenchon (59 %).
La lutte contre les inégalités sociales n’a été évoquée que par 8 % de son électorat, quand cette préoccupation a été citée par 20 % du total des électeurs (28 % chez ceux de Jean-Luc Mélenchon). Et le président sortant n’attire pas beaucoup plus lorsqu’il est question d’environnement (8 % de ses électeurs ont cité ce thème contre 13 % de l’ensemble des votants et 28 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon).
Des chiffres qui attestent d’une évolution de son électorat. « En 2017, le centre de gravité de l’électorat Macron, c’était la gauche », rappelle Pascal Perrineau, politologue et professeur à Sciences-Po Paris. « Mais aujourd’hui, ça a changé : son centre de gravité est nettement à droite ».
Un quinquennat marqué par des mesures libérales
Et pour cause, le premier quinquennat d’Emmanuel Macron s’est lui aussi ancré à droite. Début mars, le politologue Luc Rouban indiquait ainsi dans une interview au HuffPost qu’Emmanuel Macron avait bel et bien mené une politique « de centre droit » sur les questions économiques et qu’il avait opéré « un changement de cap » sur les questions régaliennes « dans la mesure où l’opinion publique s’est droitisée sur la répression ou l’immigration ».
Réforme de l’assurance chômage, du Code du travail, de la SNCF, volonté de réformer les retraites… Sur le plan économique, le dernier quinquennat a en effet été très libéral. « Dans les grandes mesures symboliques, on peut avoir l’impression qu’il a envoyé plus de signaux à la droite qu’à la gauche », confirme Pascal Perrineau.
Et, sur un plan plus régalien, certaines prises de position sur l’immigration, ou la façon dont a été gérée la crise des Gilets jaunes, ont ancré le président de la République loin des valeurs de gauche.
Pourtant, des mesures estampillées « gauche » ont bel et bien été votées par la majorité. Mais le compte n’y est pas. Car le vote de la PMA pour toutes, le reste à charge zéro sur certains soins ou le dédoublement des classes de CP et CE1 n’ont pas retenu l’attention.
« Les réformes du type PMA ne touchent que d’infimes minorités et les réformes de l’école sont des réformes sociétales. Or, les Français sont plutôt préoccupés par les questions économiques et sociales », relève Pascal Perrineau.
Et, comme le note le politologue, l’impact de ses mesures liées au pouvoir d’achat (prime Macron, boucliers sur l’énergie, etc.) a pu, lui, être barré par le style Macron, qui « a pris à rebrousse-poil une partie de son électorat de gauche ». Quelques mesures sont donc là, mais pas leurs potentielles conséquences électorales.
Une aile gauche du gouvernement amputée ou atone
Les réformes « de gauche » du gouvernement sont d’autant moins visibles qu’il ne reste plus grand monde pour les porter ou les incarner.
Car, depuis 2017, de nombreuses figures de gauche ont quitté la majorité, plus ou moins rapidement. Cela a bien sûr été le cas de Nicolas Hulot, qui a claqué la porte du gouvernement dès 2018, mais aussi, un peu plus tard, de l’écologiste Matthieu Orphelin ou d’Aurélien Taché. Des départs qui, cumulés, avaient d’ailleurs valu à La République en Marche la perte de sa majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, les quelques figures de gauche qu’Emmanuel Macron avait débauchées n’ont jamais semblé en mesure de peser réellement sur les décisions. Et ceux qui ont eu du poids, tels Jean-Yves Le Drian, Christophe Castaner ou Gérard Collomb, ont occupé des postes régaliens peu à même de permettre l’expression d’une quelconque fibre sociale. À l’inverse, les personnalités issues de la droite, comme Gérald Darmanin, Édouard Philippe ou Bruno Le Maire, ont davantage pris la lumière.
Malgré des ajustements, un programme présidentiel qui reste plutôt à droite
Peu de marqueurs forts, un déficit d’incarnation… Emmanuel Macron a donc fort à faire pour ramener à lui les électeurs de gauche, d’autant plus que le programme de son hypothétique second mandat est à nouveau marqué à droite.
« C’est sensible sur le terrain de l’immigration, sur le terrain de la sécurité, sur le séparatisme et même sur celui de la retraite », note Pascal Perrineau, avant de rappeler que, ces dernières semaines, la droite a même accusé le candidat-président de plagier son programme.
Certes, depuis quelques jours, et notamment depuis les résultats du premier tour, Emmanuel Macron tente de gauchiser son discours. Lundi, à Denain (Nord), Emmanuel Macron a ainsi indiqué que son programme devait « être enrichi, notamment sur l’écologie ». Et le président sortant se dit désormais ouvert à certains aménagements sur la réforme des retraites. « Là, ce qu’il est en train de faire, c’est de changer complètement de pied », constate Pascal Perrineau. « Et il a changé très vite. »
Une faible crédibilité auprès des sympathisants de gauche
Mais ces réassurances et modifications tardives pourraient toutefois avoir du mal à convaincre les sympathisants de gauche. Déjà, début avril, après le meeting organisé par Emmanuel Macron à La Défense, le politologue Bruno Cautrès s’interrogeait, sur Franceinfo : « Dans l’électorat de gauche qui considère qu’il faut lutter contre les injustices, Emmanuel Macron est-il perçu comme crédible ? » Poser la question, c’est en partie y répondre. « Il a certainement perdu toute une part de crédibilité », confirme Pascal Perrineau.
Ce dernier note tout de même que le président candidat « cherche à réanimer une dimension d’homme de gauche dans l’anti-lepénisme. En faisant appel au front républicain, il retrouve une thématique qui a toujours été très populaire à gauche ». Mais, prévient-il, « il ne suffira pas à Emmanuel Macron de faire de l’anti-lepénisme pour gagner cette élection ».
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