Guilhem Carayon : « Emmanuel Macron cherche à anesthésier le débat public » – Le Point

Il a le sourire avenant, la poignée de main facile et l’envie de convaincre. Le président des Jeunes Républicains, Guilhem Carayon, élu en 2021, est candidat dans la 3e circonscription du Tarn, sur les terres de son père, lui-même député jusqu’en 2012. Une chronique familiale en même temps qu’un ballon d’essai pour cette jeune pousse de la politique – 23 ans – qui envisage de se hisser jusqu’au second tour. Et pourquoi pas coiffer au poteau son adversaire, le sortant étiqueté Renaissance, Jean Terlier ? L’occasion de clarifier une offre de droite, en espérant sauver la face et peut-être ce qu’il reste de sa famille politique.
Le Point : Quel regard portez-vous sur la récente polémique autour du Stade de France ? Mis en cause, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a dû monter au créneau. Simple scandale ou début d’une affaire d’État ?
Guilhem Carayon : C’est un vrai scandale, oui. D’abord, parce que la réaction de Gérald Darmanin relève du mensonge délibéré, d’un déni de la réalité assez délirant alors même que les services avaient alerté sur la présence possible de bande de voyous. Rien n’a été anticipé, rien n’a été fait pour assurer la sécurité des spectateurs. C’est le symptôme d’une impuissance à faire respecter l’ordre public et d’un manque criant de courage qui consiste à chercher toujours des boucs émissaires, en l’occurrence les Anglais. Quitte à humilier la France aux yeux du monde entier. J’ai l’impression que pour Gérald Darmanin, il vaut mieux créer un incident diplomatique avec nos voisins que s’en prendre aux délinquants.
On nous fait croire que la situation dans notre pays est maîtrisée, alors que tout est en train de s’effondrer.
Après avoir échoué à conquérir l’Élysée, les législatives seront-elles l’élection de la dernière chance pour Les Républicains ?
Il faut déjà que nous comprenions, nous, à droite, qu’il s’agit d’une claque historique et d’en tirer les leçons. Le principal enseignement, selon moi, c’est le désenchantement de la politique. Le vote par défaut a complètement supplanté le vote d’adhésion. La perception de la classe politique dans son ensemble est considérablement dégradée. Il suffit d’être sur le terrain tous les jours pour le constater. C’est pour cette raison que j’estime nécessaire qu’une nouvelle génération prenne le pouvoir et tire un trait sur les vieilles combines politiciennes. Ces législatives sont l’occasion de faire valoir qu’une troisième voie est possible.
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Vous ne partez pourtant pas favoris… Les sondages vous créditent d’à peine de 30 à 50 députés.
Emmanuel Macron cherche à anesthésier le débat public. Il fait des chèques à tire-larigot alors que ses candidats n’ont aucune réponse à apporter au niveau local, faute d’idées concrètes. On nous fait croire que la situation dans notre pays est maîtrisée, alors que tout est en train de s’effondrer. Le pouvoir d’achat n’a jamais été aussi bas. L’inflation va être durable. La dette, qui a largement augmenté à la faveur du Covid, représente une véritable bombe à retardement et une menace à la fois pour les contribuables et les épargnants. Dans le même temps, nous avons un hôpital public à genoux. L’Éducation nationale a été confiée à un militant politique, Pap Ndiaye, certes talentueux, mais qui défend une vision de la société aux antipodes de l’universalisme républicain.
Reste le problème le plus important : l’insécurité, qui est le produit de la faiblesse de notre réponse pénale et d’une immigration incontrôlée alors même que le pays n’a aucune capacité d’assimilation. C’est pour ça qu’il n’a jamais été aussi important de ne pas donner une majorité à Emmanuel Macron. Cette élection ne peut pas être la répétition de 2017.
Il faut dans ce pays une opposition décente qui permette de corriger ou de sanctionner la politique du gouvernement.
À quel étayage estimez-vous que ces législatives seront un succès ? Vous ferez probablement moins qu’en 2017…
Ce n’est pas tant le nombre qui est important que de savoir si Macron aura une majorité absolue. C’est la porte ouverte au pire pour les électeurs de droite, si la majorité actuelle devait se retrouver sans freins. Au risque de me répéter, la nomination du nouveau ministre de l’Éducation nationale est en soi une provocation. Je crois d’ailleurs que le nombre de députés LR est complètement sous-estimé par les sondages. Partout où nos candidats sont connus, à chaque fois que nous nous retrouverons avec des duels entre LR et LREM, je pense que les citoyens ne seront pas dupes parce qu’ils savent que ce sont des députés godillots. Les électeurs de droite doivent voter utile dès le premier tour.
Votre discours est quelque peu contradictoire. Le pays n’a jamais été aussi à droite – sur la sécurité, les retraites –, mais ne semble pas vouloir voter pour votre famille politique. Ne craignez-vous pas que votre électorat se soit finalement déporté ?
Si c’est le pays à droite, c’est qu’il partage nos constats. Mais pourquoi avoir élu Macron ? Certains de nos électeurs ont estimé que notre incarnation n’était pas assez forte à l’élection présidentielle et ont préféré voter utile dès le premier tour. Ces élections législatives sont très différentes. Il y a 577 élections qui se jouent les 12 et 19 juin prochains. Je le répète, l’enjeu désormais, c’est que le pouvoir n’ait pas de majorité absolue mais une majorité relative. Je le vois sur le terrain, partout chez moi, dans le Tarn, il n’y a aucun enthousiasme pour les députés ex-LREM. C’est un double enjeu pour la droite.
D’une part, il faut dans ce pays une opposition décente qui permette de corriger ou de sanctionner la politique du gouvernement qui sera de toute façon appliquée à la lettre par les députés « Playmobil » de l’actuelle majorité, sans véritable caractère. Deuxièmement, il ne faudrait pas que cette opposition soit celle de La France insoumise transformée en Nupes. C’est symbolique, mais imaginez que la commission des Finances, qui revient généralement au premier groupe d’opposition, soit présidée par un fidèle de Jean-Luc Mélenchon… Si je suis élu député, je me battrai pour porter des mesures fortes, pour remettre de l’ordre dans les comptes, pour remettre de l’ordre dans la rue, pour remettre de l’ordre social. Et je le dis à tous les électeurs qui sont attachés au fonctionnement même de notre vie démocratique : ne donnez pas les pleins pouvoirs à Emmanuel Macron.
Aujourd’hui, les figures de droite comme de gauche donnent une image pitoyable de la vie politique.
Les candidats LR – pour la plupart des sortants – semblent faire le pari de l’ancrage pour effacer l’échec de la présidentielle. C’est la bonne stratégie ? S’agit-il d’une élection locale à portée nationale ou d’une élection nationale à portée locale ?
Les deux, mon général. Les députés servent à la fois à voter la loi au Parlement et à représenter leurs électeurs à Paris. Je crois que c’est aussi pour cela qu’il faut mener une campagne locale parce que le député doit porter la voix d’un territoire. Ceux qui se contentent de se rendre à l’Assemblée nationale pour appuyer sur un bouton sans discuter se trompent lourdement. Au contraire, les députés doivent porter la voix du peuple. C’est pour ça que le vote utile aujourd’hui, c’est un bulletin LR.
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Vous représentez une forme de renouvellement à droite. Est-ce que pour aller de l’avant, il faut savoir rompre avec son passé ?
Ce n’est pas une question partisane. Aujourd’hui, les figures de droite comme de gauche donnent une image pitoyable de la vie politique. Il n’y a qu’à regarder l’entourage de Macron. Prenez Thierry Solère, un ancien de notre famille politique, aujourd’hui en charge des débauchages à l’Élysée : treize fois mis en examen. Le patron des députés LR Christophe Castaner ? Sûrement le plus pitoyable des ministres de l’Intérieur que la France ait connu. Je suis frappé de voir que nous sommes dans une époque d’inversion totale des valeurs où l’opportunisme est loué, où l’on méprise la loyauté à sa famille politique, finalement perçue comme quelque chose de ringard. Je veux pouvoir me regarder dans un miroir le soir.
Est-ce que ce jugement assez sévère vaut aussi pour l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy ?
Je pense que son absence de soutien à Valérie Pécresse a été largement regrettée à droite.
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Regrettée et regrettable ?
Effectivement. Mais il faut pouvoir tirer un trait sur les figures du passé. La vitalité d’une formation politique se mesure aussi à sa capacité à savoir faire émerger une nouvelle génération. Mon ambition est d’arriver à rebâtir du sol au plafond un vrai mouvement populaire de droite qui soit capable de réconcilier les deux France qui ne se parlent plus, celle des gens qui vont bien et celle des gens qui souffrent, les grands oubliés de nos politiques publiques. Ce que je peux dire, c’est que l’espérance revient à droite. J’ai reçu la visite de plusieurs personnalités importantes des Républicains comme Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand ou David Lisnard, venus m’apporter leur soutien. Même Jean Lassalle a tenu une réunion publique pour m’encourager.
Je sens qu’il est possible de faire émerger une troisième voie entre le parti fourre-tout de Renaissance et le Rassemblement national, qui n’a pas de solutions applicables. Emmanuel Macron rêve d’un grand parti unique. Sa seule ambition, c’est de détruire ce qu’il reste de la droite et de la gauche républicaine pour n’avoir comme meilleurs ennemis que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
Une élection doit avoir lieu à la rentrée pour désigner un successeur à Christian Jacob, l’actuel président du parti. Vous engagerez-vous ?
Je m’exprimerai plus tard. Il faut d’abord mener ce combat crucial des législatives sans brouiller les messages à l’avance. Ne brûlons pas les étapes et ne loupons pas cette élection.
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