Tendreté et légèreté au bon tempo – Pour la Science

Quel rapport entre boudin blanc, soufflés, choux et autres cannelés ? Dans toutes ces préparations, il y a des protéines, qui font « gélifier » des masses après qu’elles ont été embossées (boudins) ou qu’elles ont gonflé ; mais une coagulation prématurée est à l’origine d’échecs culinaires. A contrario, la maîtrise de la coagulation des protéines est un gage de réussite.
Commençons par l’exemple du boudin blanc, que l’on prépare classiquement à partir de chair de porc, de veau ou de volaille, broyée avec du lait, de la matière grasse (gras de porc, beurre, crème) et, éventuellement, de la mie de pain. Le broyage des viandes conduit à un système physico-chimique nommé « suspension » : des molécules (notamment des protéines) dissoutes dans un liquide où sont dispersés de la matière grasse et des fragments solides. Souvenons-nous de cet ordre de grandeur : la chair est faite de 70 % d’eau et d’environ 20 % de protéines. Cette préparation initiale est éventuellement additionnée d’œuf, assaisonnée, avant d’être mise en boyau et cuite.
La raison d’un tel procédé ? Le broyage des tissus musculaires animaux libère les protéines qui garantissent la contraction des muscles. La cuisson assure ensuite leur « coagulation », c’est-à-dire leur association en un réseau tridimensionnel, ce qui constitue une « gélification chimique ». Celle-ci emprisonne toutes les matières présentes, tels le liquide, la matière grasse, les morceaux d’aromates (par exemple, des échalotes), etc. De ce point de vue, un boudin blanc réussi, c’est un peu comme une terrine allongée de lait et enserrée dans un boyau.
L’échec ? Il survient notamment quand le lait est ajouté en trop forte proportion, ou quand il est trop chaud. Dans le premier cas, si la quantité de protéines coagulantes n’atteint pas un seuil minimal, la coagulation ne forme pas un gel homogène, mais des micro-gels dispersés dans la phase liquide. Pour atteindre ce seuil, qui est celui de la tendreté maximale, on comptera environ 5 % de protéines par rapport au liquide. Dans le second cas, le lait trop chaud fait coaguler les protéines de la mêlée, de sorte que l’embossage ultérieur déstructure le gel alors formé. La cuisson qui suit ne permet plus de produire une matière gélifiée, homogène dans le boyau, et l’on obtient soit des tranches qui n’ont pas de tenue, soit une préparation granuleuse… à la place de la matière lisse, souple, que l’on attend d’un bon boudin blanc.
Les deux mêmes écueils menacent les soufflés ou d’autres préparations analogues, qui doivent gonfler avant d’être fixées dans un état expansé. Si la cuisson fait coaguler trop tôt le réseau tridimensionnel formé par les protéines (ici, celles du blanc et du jaune d’œuf), celui-ci sera brisé lors du gonflement, dû principalement à l’évaporation de l’eau venue de l’œuf ou du lait. La mousse formée ne peut plus être stabilisée.
Au fond, il y a une sorte d’état de grâce à obtenir la coagulation, alors même que les soufflés gonflent, en une seule opération, pour la technique classique ! Et cela vaut pour d’autres préparations : choux, gougères, chouquettes, cannelés, gâteaux de type génoise… Et la grâce est ce qu’apprécie la gourmandise : il s’agit d’art culinaire, n’est-ce pas ?
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